dimanche 30 août 2009

Enquête des Landes : quelles conclusions en tirer pour l'ordinateur à l'école ?

J'ai un peu de mal à m'exprimer sur le sujet alors que Lyonel Kaufmann, Philippe Watrelot, Bruno Devauchelle et Mario Asselin l'ont déjà brillamment analysé, mais la lecture des articles de presse sur le sujet me font sortir de mes gonds.

  • Sur le plan méthodologique d'abord :

- toujours les mêmes chiffres, les mêmes extraits d'interview... ça sent le copier-coller !
Appliquons donc la méthode du prof quand il sent le même parfum dans une copie d'élèves : le copier-coller d'un extrait [ici : de la dépêche AFp, parce que je soupçonnais déjà la source]


- les journalistes ont choisi les chiffres pour donner l'opinion qu'ils portent. Remarquez, l'inverse prend un peu plus de temps, surtout si on se tape la lecture des 116 pages du rapport quantitatif complet et les 159 pages de l'enquête qualitative.
J'ai donc envie de tenter un exercice de style et de reformuler leurs chiffres...

1er bilan de l'opération "Un élève, un ordinateur" L'expérience menée dans le département des Landes depuis 2002 ne semble pas probante (- France 3 Aquitaine -)

F3 - Selon l'enquête présentée ce mardi à Ludovia, université d'été consacrée aux applications multimédia pédagogiques, si plus de la moitié des professeurs (57 %) déclarent utiliser leur ordinateur à au moins un cours sur deux, ils ne sont que 45 % à estimer que cet outil offre de nouvelles possibilités d'enseignement.

A moi maintenant : Selon l'enquête présentée ce mardi à Ludovia, alors qu'en 2001 l'usage de l'ordinateur en classe relevait de quelques pionniers militants, ils sont aujourd'hui plus de la moitié (57%) à utiliser l'ordinateur au moins un cours sur deux, et 45% à estimer que cet outil offre de nouvelles possibilités d'enseignement"


F3- Moins d'un enseignant sur deux (40 %) déclare avoir demandé aux collégiens de se servir de leur ordinateur au cours des deux semaines précédant l'enquête. Les élèves ont le sentiment que c'est beaucoup moins fréquent et sont 25 % à déclarer s'en être servi dans le même temps. Par ailleurs, l'enquête révèle qu'internet est rarement utilisé en classe.

A moi ! Presque un enseignant sur deux (41%) a demandé aux collégiens de se servir de leur ordinateur au cours des deux semaines précédant l'enquête. Ce qui est un exploit étant donné ce que cela implique comme compétences de la part de l'enseignant : penser un cours dans lequel il n'est plus la source du savoir mais dans lequel l'élève apprend à chercher, organiser et communiquer ses connaissances, maîtriser un environnement technologique pour lequel il n'a pas été formé, gérer une classe composée d'adolescents pour lesquels l'école n'est franchement pas la préoccupation première, mais qui peuvent en remontrer à leur prof quant à la maîtrise de l'outil, maîtriser son temps faute de quoi son inspecteur pourrait lui reprocher de n'avoir pas fait son travail de fonctionnaire, le tout sans passer sa vie personnelle collé devant un écran d'ordinateur. Je sais je sais, un journaliste dispose d'un nombre limité de caractères et n'a pas vraiment le temps de venir dans les classes...
Voir page 62 du rapport complet

F3 - S'ils pensent à 66 % que l'ordinateur augmente la motivation des élèves, pour plus d'un professeur sur deux, il alourdit les tâches de gestion et de surveillance (55 %) et il sert trop à jouer et trop peu à travailler (52 %).

A moi : ils pensent à 66 % que l'ordinateur augmente la motivation des élèves. pour plus d'un professeur sur deux, pour plus d'un professeur sur deux, il alourdit les tâches de gestion et de surveillance (55 %), il sert trop à jouer et trop peu à travailler (52 %). Pourtant les études montrent que jouer permet aussi d'apprendre, comme le prouve cette récente enquête européenne. Il reste encore à diffuser ces pratiques afin de rassurer les enseignants : l'ordinateur hors de la classe permet encore d'apprendre, et jouer peut faire partie des pratiques de classe. Ces résultats montrent également le manque de confiance des enseignants (et des parents) envers leurs élèves dont ils craignent de les voir s'échapper sur internet.

J'oubliais un "détail" :

F3 - "L'instance départementale a investi 45 millions d'euros depuis 2001 pour l'opération, hors coûts de fonctionnement. "

et je lis sur le site de Landes interactives

Mais 2 millions d'euros, c'est presque rien...

(les autres titres :
Bilan mitigé pour l'opération «Un collégien, un ordinateur portable» dans les Landes (LeMondeInformatique.fr)
Bilan en demi-teinte pour l'opération « Un collégien, un ordinateur portable » dans les Landes (01.net)
L'ordinateur n'a pas réussi son entrée à l'école (Le Figaro)
Utiliser un ordinateur en classe n'enrichit pas l'enseignement (Le NouvelObs.com))
[Je m'aperçois un peu tard que le Café pédagogique a déjà pratiqué l'exercice avec plus de bonheur !]
  • Quant aux leçons à en tirer sur l'enseignement et la place des TICE...

"Utiliser un ordinateur en classe n'enrichit pas l'enseignement", dit Le NouvelObs.com, en utilisant un extrait d'une interview de PL Ghavam-Nejad, responsable des nouvelles technologies au Conseil Général des Landes, qui dit : "L'ordinateur ne modifie pas les pratiques enseignantes, les enseignants l'intègrent pour reproduire ces pratiques et répliquer les cours magistraux". Il a raison : 32% des enseignants qui ont répondu déclarent ne pas percevoir l'utilité pédagogique, et les usages principaux consistent à projeter les documents, la trace écrite ou les énoncés (p77 du rapport qualitatif ), dans un rapport prof / élèves qui reste frontal et transmissif. Mais se limiter à cette citation c'est tout de même oublier la dynamique engendrée par l'opération : "à partir du moment où on est équipé, on s'implique" (p76) et "Donc j'ai carrément refait les cours parce que j'ai trouvé qu'il y avait une grande richesse, tellement de choses intéressantes que je n'ai pas vu dans mes livres de fac", oublier aussi que l'outil informatique améliore le travail sur l'écrit (p. 103), développe l'autonomie, oublier que les enseignants progressent dans leur utilisation de l'outil, parfois avec l'aide des élèves. On trouve dans cette enquête des enseignants qui, malgré les difficultés, apprennent aux élèves à chercher et traiter de l'information, à manipuler des données numériques, etc... bref, qui forment des enfants au monde d'aujourd'hui et non à la société d'hier.

Et pour conclure parce qu'il est tard, je dirais qu'à la lecture de cette enquête, il apparaît indispensable de continuer ce genre d'opération de dotation généralisée, sous forme de portables, de classes mobiles ou autres salles informatiques : les enfants naviguent sur internet, copient-collent, devront travailler et lire sur l'ordinateur (auquel bien peu de métier échappent désormais). Il semble d'ailleurs que les parents et les enseignants soient satisfaits à 90% de cette opération... Alors je dis bravo à tous les conseils généraux qui prennent le risque politique d'équiper et celui encore plus grand de publier cette étude qui permettra à tout le monde d'améliorer les politiques d'équipement et de formation, bravo encore aux enseignants qui font ce qu'ils peuvent pour enseigner au mieux malgré le manque de formation et de soutien ( c'est aussi dans le rapport qualitatif), et bravo aux élèves et aux parents qui subissent certainement les contrecoups de ces hésitations. On félicitera aussi celles des académies qui ont une véritable politique de formation pédagogique aux TICE, et ceux des établissements qui soutiennent leurs enseignants dans le développement de cette nouvelle compétence.

Quant à juger de l'efficacité des ordinateurs dans les apprentissages, la journaliste du Figaro peut aussi essayer de lire des études scientifiques. C'est ce qu'a fait Vincent Mespoulet dans son réseau "Hors les murs", en prenant l'exemple de l'apprentissage de la lecture. Elle pourra également lire le récent dossier de La Croix, et en juin 2010, tous les numéros des Dossiers de l'Ingénierie éducative édités par le CNDP, le numéro des Cahiers Pédagogiques qui paraîtra en juin 2010, le blog de François Müller, ou les sites des Clionautes (et de Weblettres, et de Sésamath)

Bonne lecture !

9 commentaires:

Watrelot a dit…

Bravo pour cet exercice de déconstruction-reconstruction de l'information !
C'est aussi ça l'éducation aux médias.

Caroline Jouneau-Sion a dit…

;-) J'aurais dû demander aux élèves de Chritelle Membrey du Cicla 71 !

Tribu de la montagnette a dit…

Édifiante et brillante démonstration comme le dit Philippe de déconstruction-reconstruction de l'information !
Chapeau bas Madame ce billet restera dans les annales et j'en suis sûr va me servir de matrice pour une exercice du genre avec un collègue de français.
Bonne rentrée à la France Hexagonale !
Max Linder de La Réunion

Caroline Jouneau-Sion a dit…

Merci Max ! Je rougis !

Anonyme a dit…
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