mardi 4 septembre 2012

Ma rentrée des classes... où l'on parle encore de plaisir

A Ludovia, on se disait : "Oui c'est sympa tout ça, le plaisir, l'innovation pédagogique, tout ça mais on est entre nous là. Ça va être dur de revenir dans la vraie vie." 

Erreur. Égocentrisme. Prétention.

Parce que ma vraie vie à moi c'est mon lycée, et que mon retour dans la vraie vie a été un vrai bol d'air. Deux bouteilles d'oxygène ouvertes avec précaution certes, mais ouvertes quand même par mon proviseur et son adjoint (sont pas trop réseaux sociaux et blogs à ma connaissance, je peux raconter sans avoir l'air de fayoter. Et sinon tant pis, zavaient qu'à pas ouvrir la bouteille d'oxygène).

La première bouteille c'est le discours du proviseur aux enseignants en AG lundi. Morceaux choisis : "Ce qui doit compter pour nous maintenant, c'est de nous concentrer sur les 5% d'élèves qui n'ont pas eu le bac, et sur tous les élèves qui n'ont pu avoir l'orientation de leur choix en fin de seconde." Bon début je trouve, d'autant qu'il n'oublie pas les autres, ceux qui n'ont pas de difficulté et qu'il faut amener à l'excellence. OK. Mais la suite vaut son pesant de cacahuètes et je n'avais pas entendu ça depuis... depuis jamais en fait. C'est sûrement que c'est ma treizième rentrée et que treize, c'est pas la Française des Jeux qui va me contredire, c'est un chiffre qui rapporte. "Ce qui compte, dit-il (je reformule parce que je n'ai pas enregistré, j'étais trop émue), c'est d'amener les élèves à l'autonomie intellectuelle, à une autonomie de la pensée qui leur permet de prendre du recul sur ce qui est enseigné, sur la façon dont ils apprennent."
Vous avez bien entendu lu. Il n'a pas dit : "Vous allez tous les mettre au travail et s'ils ne bossent pas, paf une sanction" (enfin il a quand même dit qu'il fallait leur donner le goût de bosser mais c'est pas tout à fait pareil quand même), il a dit : "Vous allez leur donner les moyens de penser par eux même, de prendre du recul sur leurs apprentissage, de développer un esprit critique qui s'applique aussi à ce que vous leur enseignez." (Je mets des guillemets de pure forme c'est toujours de la reformulation).
J'en étais bouche bée. Mais toute ouïe.


Il a ouvert sa deuxième bouteille d'oxygène brut ce matin à 9 heures, en présence de 3 des 9 classes de 2nde du lycée. La mienne, ça tombe bien. Et sa première phrase a été pour évoquer le plaisir d'apprendre. Oui oui, je vous promets ! Pas "Attention maintenant vous êtes au lycée ça rigole plus" ni "Maintenant vous allez bosser ou on vous botte le train" ni "L'apprentissage c'est comme un wagonnet sur des rails et nous on s'arrange pour que vous restiez sur des rails" (non mais ce qu'il faut pas entendre des fois). Le PLAISIR D'APPRENDRE. Il a développé bien sûr : le plaisir se trouve dans l'exigence intellectuelle qu'on s'impose à soi-même pour apprendre à réfléchir, et notamment réfléchir à ce qu'on fait, à ce qu'on apprend, à la façon dont on l'apprend. La façon dont on apprend de ses erreurs et de ses échecs, qui ne sont qu'un premier pas vers d'autres réussites. Il a dit aussi que chacun devait faire en fonction de ses possibilités, tout en apprenant à se dépasser aussi.
Je ne vous cache pas qu'il y a quand même eu un laïus sur les interdits (tenue correcte, comportement, téléphone portable). Le téléphone portable est d'ailleurs interdit dans les zones couvertes, hein, sous peine de confiscation, parents tout ça. Sauf ...

(ouvrez bien vos oreilles parce que là, c'est du lourd)

"Sauf donc si le professeur autorise de sortir les téléphones, les smartphones, pour un usage pédagogique, alors là c'est différent."

Bon alors là, chef, je vous aime. Vous parlez d'autonomie, d'esprit critique y compris appliqué à l'école, de liberté pédagogique des enseignants, de plaisir, rhâ n'en jetez plus j'ai un orgasme pédagogique (c'est pas sexuel chef, c'est purement professionnel).

L'adjoint a conclu. C'était difficile pour lui : imaginez après un tel discours, prononcé par un ancien prof de philo (pas mal de sa personne qui plus est, j'espère vraiment qu'il ne lit pas mon blog sinon je meurs), fallait quand même assurer.
Il l'a fait. Il a conclu que "le lycée n'étant pas un lieu de concours et de compétition, on pouvait s'entraider entre élèves, et que l'un des objectif du projet d'établissement était de développer la solidarité dans l'apprentissage".

Là ça y est, pour moi c'était l'euphorie, l'ivresse. Un discours qui commence par le plaisir d'apprendre et se termine par la solidarité, c'est juste un truc que je pensais impossible à moins de répandre un psychotrope dans l'air pur du beaujolais. Et pourtant ça se passait hier et aujourd'hui, dans mon lycée.

Ludovia, t'as fait quoi à mes chefs ?

4 commentaires:

Sylvain Pérot a dit…

Il est où le lien pour faire une demande de mutation dans ton bahut?
J'avais ouvert un blog , j'ai jamais rien mis de dessus lais c'est l'occasion de faire un article miroir au tien. Dès que mes chefs auront fait leur discours aux élèves (jeudi) mais j'ai déjà bien mon idée...

E. Kochert a dit…

C'est un orgasme cataclysmique que tu as du avoir ? pareil, je veux faire une demande de mut', ya pas de raison. Encore que j'attends du neuf, ça a l'air de bouger chez moi aussi.
Bon plaisir alors

Caroline Jouneau-Sion a dit…

Faudra prévoir quelques préfabriqués pour accueillir tout le monde mais plus on est de fous ... ;-)

Marie Mérouze a dit…

Ca fait du bien de lire des articles comme ca :)