mardi 18 septembre 2012

De la liberté d'esprit de la jeunesse...

Cette année je vis une expérience du troisième type* : j'ai une classe de terminale par demi-groupe une heure tous les quinze jours, pour "enseigner" une matière qui n'est pas évaluée au bac, et pour laquelle je n'ai pas eu de formation (vu que j'ai toujours refusé de faire le stage "éducation à la défense" organisé par ... l'armée, moi qui rêve de parler aussi défense passive et résistance pacifique). Un cours d'ECJS.

Ce groupe aujourd'hui avait l'air assez peu motivé pour me suivre en ECJS dans la salle 122. Faut dire, des jeunes de 17 ou 18 ans qui passent le bac à la fin de l'année, qui n'ont pas trop de problème de survie (je vis dans le monde de Oui Oui, statistiques sociales au plus haut), on leur demande de passer une heure dans une salle minuscule pour parler de :
- thème 1 : la bioéthique
- thème 2 : Pluralisme des croyances et des cultures dans une république laïque
- thème 3 : Argent et société
- thème 4 : Violence et société.

Personnellement, discuter sur ces questions de société me plairait assez, mais eux, je lisais sur leur visage l'ennui profond avant même d'avoir annoncé le menu.

L'un d'entre eux, nonchalant et encapuché (ça fait style chuis décontracté, ça met l'ambiance) tente sans même y croire : "Allez, on a qu'à faire cours dehors !".

Hé hé

C'est à moi qu'il parle.

Alors on a fait cours dehors. Sur les poufs de l'arbre à pouf (un truc du 1% culturel qui s'avère utile, au moins, j'ai pas eu les fesses mouillées. Mais je ne peux pas mettre de photo, propriété intellectuelle oblige), sur la pelouse. En bonne fonctionnaire, j'ai présenté le cadre impératif (l'horaire, la présence, le programme) et aussi (en bonne pédago) les espaces de liberté qu'on pouvait s'y créer. La nécessité de trouver dans ce cours un intérêt pour ne pas s'ennuyer : le sujet, la forme, du débat au film en passant par la webradio...

Et puis j'ai posé la question qui tue :  

"Et vous, parmi les questions de société, qu'est-ce qui vous intéresse ?" 

  Argh. Regards vides**

Ben oui quoi, à 18 ans on trouve le monde parfait et on a envie de se jeter dedans ! Devant mon air mi-interloqué, mi-désespéré (là, j'exagère : c'est tous les ans pareil, mais je ne m'habitue pas quand même), l'un d'entre eux dit : "Ouais, on est formatés par la société. On a pas le choix".



Alors je me suis énervée (gentiment, hein, avec le sourire). Emballée.
 On était quand même en cours.
 L'année du bac.
 Sous la responsabilité d'une fonctionnaire, de 13 ans d'ancienneté, 39 ans, mère de famille de surcroît.
Sur la pelouse.
 Sous la pluie.

Alors j'ai interdit à chacun d'entre eux de se laisser formater - sauf à celui qui trouverait éventuellement que c'est un but dans la vie. Vive la liberté.

"Les jeunes, que j'ai dit, OK vous avez des cadres. OK vous avez des obligations, des contraintes. Et alors ? Vous allez laisser les autres vous dicter ces contraintes sans essayer de les négocier, les discuter, les construire ?" (Je n'ai pas dit 'les renverser'. C'est mon côté réformiste). "

 Et là, d'un coup, ils ont parlé. Choisi un sujet. La violence de l'école. "Mais on n'écoute jamais les élèves" a regretté l'un d'eux. Sauf que non. Je m'y engage. Les gars et la fille (oui, une seule fille dans ce groupe, mais ça n'a rien à voir avec le reste), je vous promets que si vous exprimez vos critiques et vos propositions sur le système scolaire qui vous a porté jusqu'en terminale, elles seront entendues. Sur le site de la Refondation pour commencer, et sur les réseaux sociaux. Sur les blogs. Dans les Cahiers Péda. Sur le site d'e.l@b. Celui des Nouveaux Etudiants. Dans les fils twitter des mes collègues, de nos amis du minstère. Parce que, chers élèves de Terminale, vous êtes compétents pour parler du système scolaire, ça rentre dans le cadre du programme d'ECJS (La violence et les jeunes), dans l'horaire imparti, et ça peut être utile.



Tiens, je suis fière de vous. Vous avez libéré votre esprit. Reste plus qu'à le faire voguer !

 * 1er type : j'ai une classe 5 heures par semaine pour faire de l'histoire, de la géo, de l'Education Civique Juridique et Sociale (ECJS) et de l'Accompagnement Personnalisé (AP); 2ème type j'ai des élèves issus de plusieurs classes 2 heures par semaine pour faire de l'histoire et de la géo.
 ** A part les deux élèves aux yeux brillants de l'envie de changer le monde. Qu'ils soient (laïquement) bénis.

1 commentaire:

Lady Dylan a dit…

Faire cours dehors c'est pas quand il fait beau normalement ? ^_^

Joli article, qui donne envie d'avoir davantage de professeurs dans cet état d'esprit (et peut-être davantage d'ECJS, aussi... tenir une réflexion suivie quand on a une demi-heure toutes les deux semaines, ce n'est pas évident... la solution serait-elle d'introduire plus de discussion dans l'ensemble des matières ?)