jeudi 22 septembre 2011

Les technologies sont-elles l'opium de l'éducation ?

Source : http://www.cracked.com/article/120_the-5-most-ridiculously-awful-computers-ever-made/

Vous croyez en dieu ? Moi non. Même pas au dieu des technologies. Du coup, cette enquête mentionnée par le New York Times ne m'étonne pas vraiment. COMMENT ??? Il ne suffit pas de mettre des technologies dans une classe pour améliorer les résultats ??? Ben ça sert à quoi d'y mettre de l'argent alors !?
L'article du NY Times nous décrit la classe du 21ème siècle : des ordis partout, un Tableau Numérique Interactif et des logiciels divers. Là je me rappelle mes premiers cours en salle info, avant d'avoir la formation qui devrait aller avec*. De superbe diaporamas sur-animés pour des activités qui ont permis à mes élèves de maîtriser à fond la touche "flèche gauche". J'ai honte.

Pourtant l'article décrit aussi une pédagogie très... contemporaine habillée de Facebook et de chansons, avec une enseignante décrite comme un "guide". Une approche que j'aurais primée au Forum des Enseignants Innovants (voui j'ai été jury une fois), qui aurait été primée aux e-learning awards, et peut-être bien que je suis même jalouse de pas l'avoir mise en place moi-même dans mes classes.

Ben alors quoi ??? Pourquoi les tests montrent-ils que les "scores in readings and maths" (petit entraînement à l'anglais level 1) ont stagné ?**
  • Ben alors il y a 31 élèves dans la classe de primaire, ils ont moins de cours de sport et de musique, je ne vous parle pas des arts plastiques. Plus de sous dans le matériel informatique et moins ailleurs. On peut se demander à qui profite le crime le choix budgétaire (me suis toujours demandé pourquoi, en France, cette frénésie de TBI ?). Hubert Guillaud, dans un article relatant l'enquête,  pose la question et suggère des bénéficiaires, voire des coupables. Je vous laisse lire, de toute façon vous connaissez déjà la réponse. Les vendeurs et vendeuses de TBI savent impressionner les décideurs.
  • Ben alors je ne suis pas sûre que les tests pratiqués prennent en compte la capacité à être autonome, à travailler ensemble, à utiliser les outils et ressources numériques et autres compétences certainement développées par les méthodes pédagogiques décrites. C'est un peu comme si on jugeait la capacité d'un traitement de texte à apprendre à écrire en mesurant la taille des pleins et des déliés. Si vous voulez un peu d'arguments sérieux et scientifiques, allez directement au paragraphe 'les métriques en question" de l'article de Hubert Guillaud. Merci Hubert.
  • J'ajouterai comme 3ème "Ben alors" que les technologies sont des outils qui permettent de faire des choses formidables, mais pas tout, et pas tout mieux qu'un papier et un crayon. Il nous manque juste un peu le recul pour nous permettre, nous enseignants, de voir où on va et ce qu'on fait en classe avec les technologies. Des outils pour nous permettre d'analyser nos pratiques, de voir si ce que nous créons comme séquences pédagogiques intégrant les technologies permet aux élèves de mieux apprendre l'histoire, la géo, les maths, l'EPS, le français (parlons un peu de didactique, c'est pas un gros mot, et y'a des didacticiens qui parlent français, si si, j'en connais). Mais pas en testant les connaissances, plutôt en analysant un peu finement la capacité à utiliser ces connaissances. Ah oui c'est vrai c'est un peu plus compliqué. C'est pour ça qu'on a créé e.l@b avec les copains, aussi, et c'est pour ça que j'ai postulé pour un travail à EducTice, mon équipe de recherche préférée de l'Institut Français de l'Education.
Où ça nous mène de raconter le même truc que Hubert mais moins bien que Hubert  ?
Ca nous mène à une discussion qu'on voudrait entamer à e.l@b : c'est quoi l'établissement du 21ème siècle ? On y ferait quoi ? Comment ? Dans quelles conditions matérielles ? En bref, comment ne pas se laisser simplement aveugler par le potentiel des technologies ? Quelle méthodologie adopter pour qu'il ne s'agisse pas seulement d'un établissement bien équipé, mais d'un lieu d'éducation qui forme les citoyens du 21ème siècle, puis ceux du XXIIème siècle et leurs petits-enfants ? 

Promis, dès que la discussion s'ouvre, je le claironne.
Et dès qu'on a trouvé, on le fait. 

* et surtout les échanges avec les copains de la liste H-francais, sur laquelle il était encore possible de parler pédagogie sans se faire traiter de pédagolâtre.
** je peux vous dire que MES capacités à lire l'anglais progressent vachement avec les technologies. Outre que jamais je ne serais allée à la bibliothèque emprunter le NY Times pour le lire en anglais, j'ai compris le mot "pace" grâce à mon appli Runkeeper - peut-on faire plus techno - qui me le répète toutes les 5 minutes quand je cours : "Average Pace : 6'30 second per kilometer" (je sais, c'est pas terrible).

3 commentaires:

CVaufrey a dit…

"Où ça nous mène de raconter le même truc que Hubert mais moins bien que Hubert ?"
Eh ben voilà, c'est exactement ce que je me dis moi aussi ! On dit la même chose que ce qu'il y a dans son article depuis des années, on lit aussi le NYT mais on prend également les réflexions de tous les francophones qui disent la même chose, et pourtant quand Hubert s'en mêle, tout le monde trouve l'article "exceptionnel" ! Snif...

Caroline Jouneau-Sion a dit…

Christine Vaufrey, sur le même sujet http://blog.educpros.fr/christine-vaufrey/2011/09/23/alors-finalement-les-tice-ne-vont-pas-nous-sauver/

Serge Pouts-Lajus a dit…

Je trouve que ça vaut la peine de revenir sur ces questions. La liste des "conditions pour que les TIC" produisent des effets pédagogiques positifs sur les élèves s'allonge.

On disait au début : ça ne peut pas marcher si les profs ne sont pas formés. Ensuite : ça ne peut pas marcher si les profs ne changent pas de pédagogie. Aujourd'hui : ça ne peut pas marcher si, en même temps qu'on ajoute des TIC, on enlève ailleurs, des profs, des heures, des sorties, etc.

La liste des conditions s'allonge mais je ne suis pas certain qu'on soit encore arrivé au bout....

On peut aussi prendre les choses autrement... Penser plus petit, plus bas, à hauteur d'homme en quelque sorte. Un peu comme le fait Esther Duflot à propos de la pauvreté. Ne pas vouloir affronter le gros problème tout entier mais contribuer à le faire avancer un petit peu dans un petit coin, c'est déjà bien.

La débauche de moyens, les solutions qui s'appliquent à tout et promettent des jours meilleurs, les grandes gueules,... ce sont des signaux : mauvaise route...