... bruyante, et c'est difficile à supporter pour un enseignant. Que dirait un collègue qui passerait la porte ? Que c'est le b....azar, que la discipline n'est pas maintenue, que l'ambiance n'est pas au travail ? Mais je prête l'oreille (et le téléphone !) et qu'entends-je ? Des élèves qui se disputent sur la méthode de travail, qui s'expliquent le PIB, qui proposent des formulations... qui bossent ! Qui collaborent !
A la fin de l'heure, un groupe a expliqué (fort bien d'ailleurs) comment on mesure le développement, ce qui manque à ces outils de mesure, ont critiqué cette phrase des manuels : "Des Nords et des Suds" et proposé une typologie. Les notes ont été prises au tableau, les différents éléments discutés, bref, le cours est fait.
Et pourtant ... et pourtant T., élève formidable (si si !!!) d'attention, de gentillesse, d'autonomie, s'inquiète de savoir, avant la présentation, s'il y aura un "vrai cours". Je ré-explique la démarche, et il a donc : son propre travail écrit, celui de ses camarades pris en notes, le manuel mais en sortant, il me répète : "Madame, j'aime bien ces cours, mais ne pourriez-vous pas nous donner, par exemple, une fiche qui contiendrait le vrai cours ?"
Ma conversation avec T. me semble significative des difficultés que nous pouvons tous rencontrer avec la mise en œuvre de pédagogies actives dans le secondaire :
- les enseignants doivent envisager une posture d'aidant plutôt que savant, dans un environnement qui ressemble à l'exact inverse de ce qu'on lui a appris. Apprendre à faire avec le bruit, à le décoder, à se couper en quatre pour aider tout le monde, apprendre à rassurer, à guider, à se montrer aussi exigeant qu'ils le méritent. Apprendre à construire des scenarii plutôt que bâtir des cours, se montrer capable de réagir à des situations aussi variées que nos élèves et que leurs stratégies sont différentes.
- Les élèves doivent apprendre à se faire confiance et à ne plus considérer les enseignants comme la source unique du savoir. Ni la note comme l'unique récompense ! Ils doivent aussi apprendre à travailler ensemble, à coopérer, à collaborer, c'est-à-dire aussi à trouver leur place d'individu dans un groupe de travail, à une période où il est déjà difficile de s'intégrer dans un groupe d'amis.
- Et les parents ? Ils s'inquiètent pour leurs enfants déstabilisés, et n'ont plus les repères de leur propre expérience de l'école pour les aider à les aider.
13 commentaires:
Merci pour ton témoignage rassurant.
Depuis le début de l'année j'essaye d'initier mes petits 6e à un travail autonome et interactif, on progresse à petits pas. Lors de l'introduction du premier cours d'histoire un peu plus classique : silence, attention, "passivité". Et lorsque la sonnerie retentit : "c'était bien le cours Madame aujourd'hui"... je suis la seule à être un peu déçue, mais je vais continuer ... alors ça fait de bien de lire la situation que tu as si bien exposée.
Oui les pédagogie actives sont au départ un peu déroutantes.
Tu trouveras dans cette causerie des pistes : du désordre à l'ordre
http://www.dailymotion.com/video/x8a1ka_la-mayonnaise-pedagogique_school
et cette demande "donner un cours a apprendre" c'est pour moi une demande: Madame aidez nous à mettre de l'ordre dans notre désordre ....non?
C'est comme planifier, organiser, préparer, faire partie de la parade plutôt que de la regarder passer.
Beaucoup plus exigeant, mais oh combien formateur.
Après avoir déstabilisé les élèves, il te faudra déstabiliser l'administration. Je constate en regardant la vidéo qu'il faut que tu ailles dans une salle informatique, bien rangée à l'ancienne, peut être éloignée de ta salle de cours habituelle. Le numérique doit encore être prévu, organisé, planifié, inscrit dans un agenda. (imagine s'il fallait faire de même pour aller au CDI)
Il reste à convaincre les architectes, les concepteurs d'établissements, les politiques de la région donc ...
La pédagogie rend très actif (les profs)
Amicalement
jpm
Convaincre de quoi ? Je ne l'ai pas dit dans mon commentaire précédent.
Et bien ... convaincre que le numérique c'est partout, surtout dans la classe. Nous ne sommes plus en 1990 avec une structure d'apprentissage organisée dans un lieu ad hoc, la salle de classe et un lieu d'apprentissage instrumenté la salle d'informatique.
jpm
Superbe témoignage Caroline ! Et le tableau semble une superbe synthèse.
Mais ce que j'entends dans la remarque de T., c'est le problème de la validation du contenu (est-ce que ce qui est sur le tableau est complet ?) et le problème de la révision. Quel support pour travailler après le cours (et pour préparer l'examen) ?
Peut être un problème de prise de notes ? Ce n'est pas facile de prendre des notes durant un travail préparatoire ou en écoutant des camarades sans savoir si ce qu'ils disent est juste.
D'ailleurs, là où je suis, nous avons toujours l'impression que la prise de notes est un savoir-faire perdu !
Allez, bises,
Jean-Marie
Tes élèves de lycées sont des pros du métier d'élèves. Ils en ont passé des heures sur les bancs d'école. Ils sont aussi des pros du métier d'élèves en histoire. Leurs réactions sont donc tout à fait normales.
Cela me rappelle un travail avec des élèves de dernière année de collège (il y a fort longtemps…). J'avais noté au tableau noir les éléments que eux-mêmes avait mis en avant lors d'une mise en commun. Ils leur appartenaient alors de rédiger la synthèse de ce travail à partir des éléments inscrits au tableau noir. Cette classe de «bons élèves» s'est alors montrée surprise; elle attendait que je fournisse LA réponse. Il a fallu leur expliquer que cette compétence de rédiger une synthèse était justement la compétence que j'attendais qu'ils développent à partir du moment où les éléments inscrits au tableau avaient été validés.
Ce passage du travail des élèves pour eux et non pour le prof n'est pas évident dans nos systèmes scolaires. Au début, les élèves sont placés devant une forme angoissante d'abîme. Ils veulent aussi savoir si c'est vraiment vrai que ces moments-là leur appartient. Suivant les cas, ces coûts ne leur apportent pas assez de bénéfice. Surtout aux élèves qui réussissent dans la structure habituelle.
Autrement je partage aussi le dernier avis de Jean-Maire Gilliot. Et Il faut aussi alterner les phases de stabilisation/déstabilisation. Et être conscient au début d'y aller précautionneusement dans la déstabilisation de leur métier d'élève.
En tout cas, merci pour ce grand moment de partage et de fenêtre sur ton enseignement.
Je t'embrasse,
Lyonel
Bonjour caroline
On dirait mes classes de collège pendant les travaux de groupe !!J'ai eu du mal à convaincre mes collègues que ce 'était pas du bazar ! et pas plus tard que ce matin mes 4è pas faciles ont travaillé par groupes (pas avec des ordis mais du papier)et en sont sortis en me disant qu'il faudrait le faire plus souvent !
Merci de vos commentaires ! J'aime aussi regarder par la fenêtre de mes collègues pour voir comment ça se passe.
En effet la situation est aussi très difficile pour nos élèves à qui on a appris qu'un élève est celui qui apprend bien la parole du prof (j'ai conscience d'être caricaturale) et en effet il s'agit de validation, de rassurer. C'est aussi que nous apprenons à nous connaître et que malgré ma tentative d'y aller doucement, il a été un peu (pas trop quand même) inquiet. Il n'a pas non plus encore pu comprendre que je varie les situations pédagogiques. Il faut varier, quitte à faire un cours magistral lorsque c'est nécessaire... demandé ?
Chère caroline, J'ai été passionnée par ton témoignage.
Comme Jean Marie Gilliot je pense que si tu précises quels seront les modes d'évaluation de leur travail et leur importance relative ils seront moins déstabilises. Il faut arriver à leur faire comprendre que ce qui compte vraiment pour leur formation et leur avenir. Oui il faut varier et même quelque fois savoir apprendre par coeur et réciter, mais rien ne vaut l'apprentissage du travail collectif. Bises
Ah, l'élève de lycée est donc un élève comme les autres ? Ouf ! Chez moi ce ont les parents qui très inquiets m'ont demandé un RDV : "voilà, madame, nous ne voulons pas critiquer [mais si vous voulez, allez, lâchez-vous], c'est très bien surement mais, comment dire, le cours sur l'Europe, ce sont les enfants qui l'ont fait ?" "oui, ils ont utilisé les documents et fabriqué la trace écrite avec et nous l'avons validé ensemble" "ah bon ! [soupirs soulagés] vous avez vérifié, bon, mais ce serait surement mieux fait si c'était vous qui faisiez le cours la prochaine fois, vous comprenez, quand même c'est votre travail"
je sais, c'est très mal d'enregistrer ses entretiens avec les parents, mais là c'était trop drôle.
Pour répondre à jpm : convaincre ? mais m^peme si je voulais convaincre mon administration ce serait du temps perdu.
Je travaille dans une cité scolaire d'un peu plus de 1600 élèves. Nous avons un cdi de la taille d'à peine 4 salles de classe, soit moins de 150 places assises, salles de travail comprises, donc oui, nous devons prévoir nos séances au CDI et les oublier s'il y a TPE (donc, tant pis pour mes collégiens, et tant pis aussi pour l'ECJS en 2nde).
Quant aux salles informatiques, l'une est dévolue à la technologie (bon, ok elle est alors libre le vendredi mais comme le prof de techno est aussi responsable informatique aucun moyen d'y avoir accès. Il est d'ailleurs débordé et n'arrive pas (et c'est normal) à mettre moins d'une semaine pour nous installer des logiciels (pratique pour les manuels numériques). L'autre salle, nous sommes un lycée général, est dévolue aux profs de maths qui utilisent cet outil dans leurs programmes et il faut donc vérifier avec eux si nous souhaitons échanger, eux-même n'ayant pas assez de salles pour toutes les classes en ayant besoin.
Alors, convaincre l'administration ? de demander des dotations à la région ? Elle nous répond d'attendre la rénovation du bâtiment. Restauration et restructuration décidées il y a 13 ans, et je reste comme Soeur Anne : pas d'ordis, pas de TNI (en tout cas pour moi) etc etc
Bonjour,
"Ni la note comme l'unique récompense".
Étonnant de lire ceci de la part d'un enseignant. Dois-je m'inscrire en faux en rappelant que la note n'est pas une simple "récompense" mais est bien le moteur dans lequel on place l'élève et qui sanctionnera ou non son passage dans la classe supérieure ?
Je comprend fort bien votre désir (et je le partage) de pousser vos élèves à chercher par eux-même et à débattre de leurs idées. Cependant, lors du contrôle, l'élève n'est pas dupe. Il sait qu'il doit répondre à la question de l'enseignant et qu'il doit y répondre de la façon qu'attend l'enseignant. Et qu'une bonne réponse ne lui apporte pas simplement une gratification intellectuelle, une simple récompense mais garantie au contraire son avenir à court terme en lui permettant d'éviter le redoublement.
Je ne doute nullement que les élèves avec ces cours dynamiques prennent conscience de leurs possibilités et qu'ils se rendent compte de leurs autonomies ; sans parler de l'intérêt que l'on trouve dans la confrontation d'idées et de faits.
Mais comment être sûr d'avoir la bonne réponse attendue par l'enseignant, d'être parfaitement sûr du contenu à apporter ? Comment être sûr de ne pas avoir manqué un engrenade important dans l'articulation du cours ? Il suffit de le demander à l'enseignant ; et je pense que c'est ce qu'à voulu vous dire votre élève en vous demandant le "vrai cours".
En somme, il aurait pu vous dire : "Merci de nous faire confiance, mais allez-vous nous noter sur la façon dont nous avons élaborer notre cours quitte à avoir oublier une donnée importante sans que cela nous porte grief ? Ou bien allez-vous simplement sanctionner les réponses que nous allons apporter sans tenir compte de notre manque d'expertise en la matière ?"
En remettant en cause les méthodologies d'apprentissage des élèves vous ne devez pas oublier de faire évoluer aussi les critères qui permettent d'apprécier leurs évolutions.
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