Comme je le confiais à Christophe Batier à Ludovia 2010, les rapport profs / élèves sur Facebook me posent question depuis longtemps, et notamment depuis que j'ai coordonné avec ma copine Caro d'Atabékian le numéro des Cahiers Pédagogiques sur le web 2 et l'école.
Causerie2 à Ludovia 2010 avec Caroline Jouneau-Sion
envoyé par Batier. - Cours, soirées et beaucoup d'autres vidéos de la vie étudiante.
Doit-on accepter nos élèves sur Facebook ? Une fois que c'est fait, doit-on regarder leurs profils ? Intervenir sur leurs profils, interagir avec eux via le réseau social ? Caroline d'Atabékian et moi-même avons demandé l'avis de Benoît Drunat, psychanalyste, qui dit en substance : "Laissez ces ados tranquilles sur Facebook". Ce n'est pas si facile... Alors comment faire ? Je vous propose le fruit de ma réflexion, basée sur ma propre expérience. Pas d'analyse scientifique, pas d'étude sérieuse, et donc ça vaut... Une expérience personnelle.
Deux profils
Je crois très important que les enseignants qui ont décidé d'accepter leurs élèves sur Facebook disposent deux profils séparés : l'un pour les adultes (famille, amis, collègues ou que sais-je, selon leurs usages) et un autre pour les élèves et leurs parents. Même si, au départ, vous ne ressentez pas le besoin personnel d'un profil Facebook, si vous n'en créez un que pour répondre à la demande de vos loustics de 4ème B, il arrivera un jour où votre collègue Bernard, votre cousine Jacqueline ou votre pote d'enfance Bertrand vous y trouvera et vous invitera. Vous serez alors tenté de répondre à son invitation pour pouvoir communiquer avec lui, voir les photos du petit dernier de Jacqueline ou raconter les dernières perles trouvées dans les copies. Et vos ennuis commenceront alors.
Deux comptes, il vous faut créer deux comptes, tout de suite. Au diable l'avarice !
Sur ce compte, n'invitez pas vos élèves, sauf cas particulier de projet pédagogique. Attendez qu'ils viennent vous chercher, prévenez-les que vous n'êtes pas spécialement leur "ami" mais que vous êtes ravi(e) d'être en contact avec eux.
Et ne liez pas ces deux comptes. Ne soyez pas votre propre ami (même si c'est tentant, hé hé, au moins un sur qui vous pourrez compter !)
Les pieds sur Terre
Ceci dit, tout cela n'a pas réglé la question des relations que vous pouvez avoir avec vos élèves, et c'est cette question là que je n'arrivais pas à résoudre avant hier et une discussion avec J.M. Zakhartchouk et Rémy Buchy, du CRAP-Cahiers Pédagogiques.
Quel est le problème, après tout, de cette communication sur Facebook avec vos élèves ?
On voit leur vie privée, et c'est pas toujours beau à voir. On passe les "en couple avec" et les babillages amoureux. Je parle plutôt des photos de beuveries et autres trucs pas très légaux ni civils.
- Regarder ou pas ?
- Intervenir ou pas ?
Après tout, dans les écoles de village du début du XXème siècle, les instituteurs de la troisième République ne se comportaient pas autrement... Nous l'avons oublié parce que nous sommes désormais enfermés dans nos maisons, parfois loin de notre lieu d'exercice, et les réseaux sociaux ne font que nous ramener à une situation oubliée... Le dictionnaire de pédagogie de Ferdinand Buisson (qui a lui aussi une page Facebook, mais oui !) nous rappelle le rôle de l'instituteur d'après Jules Ferry :
Un « éducateur », l'éducateur laïque par excellence, celui qui, dans chaque commune, représente non pas tel parti dominant, non pas telle opinion ou telle croyance, mais la société elle-même en tant qu'elle s'occupe de préparer ses enfants pour l'avenir, en tant qu'elle les veut intelligents, instruits, libres, égaux et mûrs pour la vie civique.
Dictionnaire de Pédagogie de Ferdinand Buisson, édition de 1911, article "Instituteurs, Institutrices"
(Vous lirez aussi La Lettre de Jules Ferry aux instituteurs (17 novembre 1883) si le coeur vous en dit)
Je crois donc qu'il faut intervenir lorsque ça nous démange, que nous sentons que nous sommes dans notre rôle d'éducateur. Mais cela ne signifie pas qu'il faille intervenir sur le même canal. Il faut utiliser le moyen de communication le plus adapté, de l'échange verbal au courriel en passant par la lettre. Voire passer par les parents ou l'assistante sociale si cela vous semble plus adapté. Personnellement, je pense qu'il vaut mieux éviter les conversations privées avec vos élèves sur Facebook parce qu'on se trouve tout de même à la frontière entre public et privé, qui est peut-être nette pour vous, mais sûrement pas pour eux. Après tout, je suis sûre que vous évitez de vous trouver dans une salle fermée avec un seul élève, surtout hors de votre établissement ! Malgré cela, j'ai déjà échangé en privé sur Facebook, avec des élèves pour lesquels je sens (instinct, à prendre avec des pincettes !!!) que cela ne pose pas de problème, et sur des sujets qui sont très éloignés de la vie privée, sur un ton et dans un langage très professionnel.
Le (dé)goût de l'outil
Basés sur les relations humaines, les réseaux sociaux se prêtent mal aux injonctions, aux règles universelles. Facebook est un outil de communication. Vous ne le supportez pas ? Oubliez même que ça existe, et préférez-lui les mots dans le carnet, les lettres, la discussion de fin de cours, voire le téléphone (si si, ça arrive !).
Vous avez envie de l'utiliser avec vos élèves ? Faites-le, mais jamais sans vous poser les questions que vous ne manquez pas de vous poser lorsque vous êtes seul dans une salle avec un de vos élèves. Des questions de bon sens, qui prennent en compte le fait qu'ils sont adolescents et vous adulte, responsable, citoyen et éducateur, que la communication écrite est parfois source de malentendus, que l'écrit reste etc...
5 commentaires:
J'ai la même position : deux profils bien séparés. Et je n'interviens que rarement : pour dire que j'ai corrigé les copies, qu'elles étaient bonnes...Parfois, j'ai quelques demandes de précision. Je ne vais pas souvent regarder leurs photos, sauf si elles sont sur le mur.
Un point positif : la communication avec certains élèves timides. Cela aide à entrer en contact avec eux et à poursuivre au collège.
Même position et même constat que Géraldine. Ce qui est drôle, c'est que les élèves sont parfois plus spontanée sur le profil FB (réservé Of course).
Un seul (gros) problème ethique : Facebook, c'est blindé de pub et ça, ça me fait ch...
D'accord avec toi Antoine, et pour des projets péda préférer peut-être pour cette raison d'autres outils. Je parle ici de demandes spontanées, hors du cadre strict de l'école.
Moins d'accord que vous sur la nécessité de 2 profils !
Prenons un cas… Vous avez un neveu ou une nièce de l'âge de vos élèves ! Vous l'acceptez où ? Dans le profil des étudiants ? Dans le profil de la famille ? à moins que vous ne gériez un autre profil pour qui n'est pas de la famille !!
Je pense qu'il vaut mieux apprendre à gérer sa présence sur Facebook en un seul profil mais surtout apprendre à gérer les possibilités de "confidentialité"… en fonction des uns ou des autres !
Cela ne prend pas en compte la nouvelle mouture des groupes de Facebook également.
J'ai une fille qui est en collège. Elle est amie avec certains de mes amis cependant pour la plupart d'entre eux, nous ne voyons pas la même chose ! "chacun à sa place" :-)
Le premier conseil que je donnerai aux enseignants est de fermer également leur profil :-( J'ai eu des surprises dans le domaine… Je parle ici du profil "entre adulte" :-)
Les deux profils : pourquoi pas. Pour ma part j'ai choisi un seul profil et c'est en fait à la demande d'anciens élèves que j'ai ouvert un compte 'facebook'. Toutefois une remarque s'impose : je ne suis plus professeur et le problème est donc différent. Quant aux élèves ils ont demandé à être 'ami Facebook'. Si je réponds oui à l'un je dois faire la même réponse à tous. Facebook et son usage sont de passage me semble-t-il et sans doute de courte durée. Alors....
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