Jeudi prochain, dans mon collège, stage demandé, annoncé et attendu sur le thème "comment gérer les élèves difficiles". Saura-t-il nous sauver de l'explosion ?
La tension est palpable ces derniers mois, chez les élèves comme chez les profs de mon collège : insultes, dégradation du matériel, beaucoup de cris en classe, dans les couloirs, exclusions à tire-larigo, temporaires ou définitives. Cela se mesure dès l'entrée en classe : bousculades, baffes entre élèves, agitations diverses qui mènent à l'exclusion du cours. Exclusions tellement nombreuses que la CpE ne peut tous les recevoir. Bien sûr, nous le savons tous, la place des élèves est en classe et nous tentons de les garder... "Madame, je peux aller en perm' de toutes façons je vais faire le bordel !" dit K. avant de mettre ses menaces à exécution. Je sors en tremblant d'avoir essayé de donner une consigne, d'avoir tenté de les mettre en activité de façon à mériter mon salaire d'enseignante, d'avoir pris sur moi pour ne pas craquer. Craquer, je l'ai fait deux fois déjà, fermant la porte pour qu'on ne me voie pas fondre en larmes. D'autres ont mis une claque, ou sont en arrêt pour dépression. Attention, qu'on ne se trompe pas : mes élèves sont des gentils, ils "m'aiment bien" et ne me sont pas hostiles, mais rien à faire : ils sont dans le plaisir immédiat, dans l'ignorance de ce qu'est l'effort, dans l'indifférence totale vis à vis du bagage qu'ils sont censés se construire à l'école. Le plaisir de montrer ce qu'on sait, de découvrir ce qu'on ne sait pas, de s'aventurer dans la connaissance, c'est comme si c'était pour la plupart d'entre eux un autre monde, inaccessible, inconnu et, à vrai dire, sans aucun intérêt.
Et pourtant je me décarcasse ! Je souris, je cadre, j'alterne les postures pédagogiques, j'explique, j'écoute, je mets au défi, mais ils s'en fichent. L'important est ailleurs : dans les discussions d'hier ou de ce soir sur MSN notamment, et dans le plaisir immédiat de papoter, de se mettre en valeur. D'un jour sur l'autre, le vide s'est fait : aucune trace du travail de la veille, même quand il a été fait, même quand il a été apprécié. On fait "reset" chaque jour, chaque heure presque. L'immédiateté.
Et nous, les enseignants de mon établissement, nous nous sentons seuls. Seuls à nous coller à cette tâche de faire progresser les adolescents qu'on nous confie, de les préparer à leur vie d'adulte en leur donnant les outils pour comprendre, s'exprimer, pour continuer à se former et à s'informer. Seuls aussi à leur donner un cadre, celui que les ados cherchent à trouver lorsqu'ils transgressent les règles, histoire de se rassurer, de se dire que le vaste monde n'est pas un infini dans lequel ils vont se noyer. "Je ne comprends pas, il a tout : internet, la console, le téléphone, tout ça dans sa chambre alors, pourquoi ne travaille-t-il pas ?" nous disent souvent les parents. "De toutes façons, il est nul", disent certains profs qui ont la même reconnaissance institutionnelle que les autres et qu'on se garde bien de remettre à leur place.
Pfff, mon adolescence est finie depuis longtemps, mais j'ai moi aussi l'impression de me noyer et de ne plus avoir ma place dans ce système, l'impression d'être en décalage total avec ce qu'on attend de moi, tant mon employeur que les parents et mes élèves. Et je vois bien que les élèves sont paumés aussi. Alors on fait quoi ?
Heureusement que cette crise-là ne donne pas d'acné !
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