dimanche 30 août 2009

Un bilan subjectif de ce que j'ai vu, lu et entendu à Ludovia (et aussi un peu dit, d'ailleurs)

Ludovia, c'est entre autres choses une université d'été sur la e-education et le multimedia, qui a lieu tous les ans en Ariège depuis 2004. J'y étais pour la première fois cette année, et j'ai vraiment été bluffée. Voici donc quelques impressions, quelques jours après.


Je vous passe le cadre : à Ax-les-thermes, il y a des thermes, et pas les moindres ! A visiter absolument quand les neurones restent collés d'avoir trop réfléchi.


Parce qu'à Ludovia, ça turbine ! Les acteurs du numérique en éducation se retrouvent pour échanger autour d'une thématique. Cette année, Coopération et Réseaux. Pour coopérer, ça a coopéré ! Les représentants des collectivités territoriales venus témoigner de leur politique d'équipement des établissements scolaires, comme Pierre Louis-Ghavam (la star de Ludovia 2009) qui présentait les résultats de l'enquête menée 8 ans après le début de l'expérience des Landes "un collégien, un ordinateur portable". D'autres, moins avancés dans leurs dotations, ont pu entendre le récit critique de ces expériences, mais aussi réfléchir sur les paramètres à envisager lors du déploiement d'un ENT, ou sur les moyens de développer l'utilisation de ces outils. Bien sûr, des industriels (je ne les citerai pas, tiens, à une exception) ont vanté leurs produits et leur humanisme, des éditeurs sont venus vendre leurs ressources et tendre l'oreille sur l'avenir du manuel numérique (entre autres), et des savants (si si! même un historien !) sont venus parler de mémoire et de traces. Je n'oublie pas les enseignants : nous étions quelques uns, surtout mais pas seulement historiens-géographes.

Les résultats de l'enquête des Landes ont été présentés (et largement commentés dans la presse sous des titres assez variés, qui montrent bien qu'on fait dire aux chiffres ce qu'on veut). Mais enfin malgré l'intervention très provocatrice et volontariste d'Henri Emmanuelli, on sent l'inquiétude de ces élus qui ont investi des sommes considérables dans des équipements que nous savons tous nécessaires, mais que leurs électeurs pourraient juger démesurées et non rentables. Oui je sais, l'éducation et la rentabilité... Inquiétude aussi chez ceux qui travaillent à fournir de la ressource numérique ou à développer les usages. Chacun se demande pourquoi ses efforts ne portent pas, s'il lui faudrait les faire porter ailleurs ou autrement. Faut-il mettre des ordinateurs dans les mains des élèves ou équiper les profs ? Former les profs, les IPR ou les chefs d'établissements ? A quel niveau de décision faut-il agir, où sont les verrous ? Et chez les enseignants, comment les aider à changer leurs pratiques, puisque tout le monde ici s'est accordé à dire qu'un changement est indispensable.


Ce qui est agréable dans Ludovia, c'est que l'avis de chacun compte, en dehors de toute considération hiérarchique. Le mien, c'est qu'il faut continuer à mettre des ordinateurs dans les mains des élèves et des profs : l'ordinateur est un outil, son usage demande d'autant plus de temps qu'il réclame un changement de posture de l'enseignant. Pour que les enseignants se l'approprient dans leur pratique quotidienne de classe, il faut le mettre à disposition, laisser la possibilité d'imaginer des usages, accompagner (y compris dans la classe s'il le faut !) et soutenir (autant l'IPR/IEN que le chef d'établissement). Il faut donc une coopération étroite entre la collectivité qui équipe et l'éducation nationale qui soutient et qui forme, et ce à tous les échelons. Voeu pieu ? On a senti en tous cas que cette coopération ne coulait pas toujours de source... Je crois aussi que les associations d'enseignants ont un rôle à jouer pour montrer ce que les technologies peuvent apporter à l'enseignement par rapport à un environnement traditionnel. La formation est également encore à développer, formation pour les enseignants mais également, et cela commence à être pris en compte, formation pour les encadrants, chefs d'établissement et corps d'inspection.

Quant aux verrous ... On a parlé beaucoup de verrous chez les profs, mais j'aimerais bien qu'on envisage aussi le rôle des chefs d'établissements. Dans les Landes, P.L. Ghavam soulignait la grande disparité entre les collèges, et on pourra regretter que l'enquête SOFRES n'ait pas interrogé le rôle des équipes de direction... même dans le chapitre 4 des résultats de l'enquête, pourtant dédié à l'"encouragement et l'appui dans la pratique des enseignants" (page 72).

Il y avait aussi un colloque scientifique sur le thème "Espace(s) et mémoire(s)". Les chercheurs ont donc parlé mémoire et trace. Je n'ai assisté qu'à la première conférence, donnée par Alain Mille de Lyon. Vraiment très intéressant (et grand pédagogue : c'est la première fois que je comprend quelque chose à l'intelligence artificielle) notamment dans le rôle de la trace dans l'apprentissage. Il prône la possibilité donnée à l'utilisateur (et donc à l'apprenant) de lire la trace de ses activités sur un ordinateur, mais aussi de l'éditer, la modifier, la partager. Cette distanciation lui permettrait d'apprendre de son parcours : voir comment il a réussi ce qu'il avait à faire, examiner l'histoire de ses échecs, donner à voir un processus afin d'apprendre aux autres à faire ce qu'on sait faire. Son labo, Liris, a développé des solutions logicielles pour traiter cette trace et la rendre lisible/éditable/transmissible, solutions qui sont déjà à l'oeuvre dans quelques entreprises. On pense immédiatement à ce qu'un tel outil pourrait apporter en matière de personnalisation des apprentissages dans un ENT ou dans un manuel numérique, et Maxicours ne s'y est pas trompé qui cherche déjà à l'utiliser pour ses produits.

Je veux enfin me réjouir d'avoir pu assister à quelques modes d'animations assez agréable, justement parce qu'ils permettent à tous de s'exprimer de manière horizontale. 3 barcamp (ou 4 ?), tous organisés différemment tant nous sommes peu habitués à ce concept qui consiste à mettre tous les présents en action, mais qui ont rempli tout de même leur rôle : coopérer dans la diversité pour avancer ensemble sur le sujet abordé. Le premier, organisé sur la terrasse du casino sur le sujet de la coopération entre la recherche et les entreprises, s'apparentait à un tour de table/tour d'horizon de ce qui se fait. En arrivant à la deuxième, j'ai cru qu'un bar camp consistait à camper au bar entre copains pour parler de ce qui nous rassemble. Mais très vite Gilles Braun (SD-Tice) a mis tout le monde au travail sur le développement des usages des ressources numériques, et les résultats de la discussion ouvrent certainement des horizons. espérons qu'il en fera un compte-rendu ! J'ai activement participé à la troisième, "Réseaux sociaux pour l'éducation", avec Mario Asselin et Eric Delcroix, tous deux rompus à cet exercice. Hélas, les circonstances ont été contre nous, et Mario le raconte à la perfection sur son blog. Ceci dit, ce n'était pas si mal... et merci aux twitter users qui ont participé !

Un certain nombre de choses m'ont certainement échappé, tant il y avait d'événements, de gens à rencontrer et d'idées à échanger. Vous trouverez les notes collectives sur la page twitter consacrée à Ludovia.

Il me reste à parler de ce qui est apparu comme une triste évidence à certains d'entre nous : la place des femmes à la tribune, lors des conférences, des tables-rondes. L'absence de femmes parmi les représentants des décideurs politiques ou institutionnels, hormis la SD-Tice, est choquante. Il y avait certainement suffisamment de femmes compétentes à inviter, on regrettera que cela n'ait pas été une préoccupation pour les organisateurs, qui n'accepte qu'un quart de femmes dans son comité scientifique...

5 commentaires:

Unknown a dit…
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Caroline Jouneau-Sion a dit…

J'attends avec impatience !

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Unknown a dit…

Je remercie Caroline Jouneau-Sion de ce commentaire sur Ludovia 2009 et l’enquête d’évaluation du Conseil général des Landes en particulier.

Lorsque nous avons, il y a un an à Ludovia 2008, confié à l’Institut TNS Sofres ce travail, c’était pour prendre une année avant de décider de la suite à donner à cette opération. Le renouvellement des ordinateurs portables est triennal et le prochain devrait avoir lieu en septembre 2011. Il reste une année aux élus de ce département pour jaugez de la quantité de flotte qu’il y a dans cette bouteille : est-elle a moitié vide ou a moitié pleine ?

Il est vrai que le buzz médiatique depuis la dépêche AFP du 25 août dernier me surprend. La tonalité négative, franchement négative, me fait un peu peur. Même si nous tenons une ligne de défense difficilement attaquable : la collectivité a mis tous les moyens matériels et humains depuis 8 ans pour que cette opération ne soit pas un problème de moyen La pédagogie, l’accompagnement, les instructions et les inspections ne sont pas de notre ressort mais de l’Education nationale.
« Mesdames Messieurs, pourquoi interrogez-vous le Département des Landes sur le pourquoi et le comment nous en sommes là et pas les IA-IPR du rectorat de Bordeaux ou les enseignants utilisateurs ? Ce n’est pas logique puisque lorsqu’en SVT, Physique et Espagnol il y a des utilisations (quantitatives) et des usages (qualitatifs) nous savons que dans ces 3 disciplines les IPR font ce qu’il faut pour que cela en soit ainsi. »
Reste les enseignants dont Bruno Devauchelle sur son blog (veille et analyse TICE) dit avec raison qu’il est étrange que seuls 56% d’entre eux seulement aient répondu a cette enquête s’il tiennent vraiment a cette opération (Caroline je ne manipule pas 677 profs, sur les 1212 a qui nous avons remis l’an passé un ordinateur portable). Certains un peu affolés m’ont écrit cette semaine, je leur réponds d’abord en leur donnant les chiffres de participation de leur collège et de leur discipline pour bien leur faire comprendre que les médias ne sont pas responsables des réponses (de l’interprétation et du choix de celles qu’ils veulent mettre en valeur oui, mais pas des réponses). En histoire géographie sur 130 enseignants 75 ont répondus soit 58%. Vous me direz c’est pas mal… oui mais comparé au 55% de participation des parents, c’est un peu faible. Je peux affirmer que la participation des familles est une marque d’adhésion a l’opération (quand vous lisez l’enquête cela se vérifie) alors que la participation moyenne des enseignants n’est pas un signe de défiance, mais pas non plus un signe d’adhésion.

L’Ecole républicaine va mal. Le numérique est un révélateur de sa faculté a s’adapter ou non. Le rapport qualitatif des 80 entretiens avec des enseignants landais dans 8 collèges est très instructif. Les 50 premières pages portent sur le mal être des enseignants sur leurs doutes vis a vis du collège unique et de l’hétérogénéité des classes, le numérique ca passe après bien après…
Il y a beaucoup de chose dans cette enquête d’évaluation, et notamment ce que Caroline a eu du mal a trouver c-à-d un focus sur les personnels de direction mais c’est dans le gros rapport de 254 pages. Bref, si comme l'auteur de ce blog, vous voulez vous faire une opinion vous-même sur l'enquête de TNS Sofres, je vous renvoi a ces liens qui pointent sur des rapports feuilletables ou téléchargeables en pdf. Bonne lecture à vous et encore merci à Caroline de ce compte rendu vivant et fidèle.
http://issuu.com/1collegien1ordinateurportable/docs/tnssofres01
http://issuu.com/1collegien1ordinateurportable/docs/tnssofres02
http://issuu.com/1collegien1ordinateurportable/docs/tnssofres03

http://www.landesinteractives.net/pagesEditos.asp?IDPAGE=228&sX_Menu_selectedID=left_23E7CEF0

Pierre-Louis Ghavam

Caroline Jouneau-Sion a dit…

Merci de cette analyse. On ressent en effet une école attachée à ses postures traditionnelles ! La question maintenant c'est : que voulons-nous comme enseignement pour nos enfants, et comment faire pour y parvenir ? Ce qui est reproché à l'ordinateur dans ces articles de presse, c'est de ne pas améliorer l'enseignement frontal et magistral. Mais est-ce vraiment pour cela que nous voulons mettre des ordinateurs dans les mains des élèves ?