vendredi 26 septembre 2014

Terminales On Air !

Vous avez déjà eu Education Civique, Juridique et Sociale avec des Terminales ? C'est pas rigolo... L'ECJS n'est pas au bac, ils considèrent donc très souvent que c'est une perte de temps. On pourrait imaginer qu'ils apprécient cet espace de liberté, sans pression, dans lequel on apprend à penser, à argumenter, sur des sujets en prise avec l'actualité.

Peut-être est-ce juste parce que je ne sais pas m'y prendre, mais avec mes élèves de terminale, ça n'est jamais le cas. Ils n'ont pas envie.

Alors je me suis inspirée ailleurs, chez mon copain Jean-Pierre Meyniac. Il propose deux types d'activité : une revue de presse d'abord, et un jeu de rôle débat. J'ai décidé de transformer ces activités en émissions de radio.

Chaque groupe de 2 ou 3 présentera donc sa revue de presse "on air" grâce à un outil présenté par Marie Soulié à Ludovia : Mixlr.

Tout à l'heure, on s'entraîne. On trouve aussi un nom pour la radio, un ou deux slogans, et hop !
Je vous raconterai !



mercredi 24 septembre 2014

J'ai flippé ma classroom !

Ca fait longtemps que j'y pense et ça y est, je me suis lancée : j'ai renversé ma classe. J'ai hésité de longues années. D'abord parce que ça demande du temps et que ça n'est pas le truc que j'ai le plus ces dernières années (et ce n'est pas uniquement la faute des #twins). Ensuite parce que je suis convaincue qu'une mauvaise classe inversée est pire, mais alors vraiment pire qu'un mauvais cours magistral.


Allez, je développe d'abord mes appréhensions* et ensuite je vous raconte le pied que j'ai pris. Je suis forte en teasing, non ?

Le temps d'abord. 

Pour faire une classe inversée, il faut AN_TI_CI_PER. Hors de question de filer une vidéo ou un cours la veille pour le lendemain. Hors de question aussi que ça prenne trop de temps de travail à la maison pour les élèves. Cela signifie concrètement que vous avez toujours un cours d'avance. Et moi, un cours d'avance, euh, comment dire ça ? Je ne sais pas bien comment ça fait d'avoir un cours d'avance. Et je ne vous parle pas des activités de classe que vous devez  préparer. On est loin de l'activité du livre de type "répondre aux questions", et ça prend quelques heures pour imaginer et concevoir quelque chose qui permette de mobiliser les connaissances acquises avant le cours pour travailler des compétences ciblées et les moyens de les évaluer. Oubliez les 35 heures.

L'efficacité du dispositif ensuite. 

Je vais vous avouer un autre aspect assez peu reluisant de ma pratique professionnelle (et qui est assez gênant pour un prof d'histoire) : je ne sais pas très bien raconter. Ca m'arrive de faire ça bien, mais c'est assez rare. Alors le cours magistral et moi, ça fait deux. En plus je m'ennuie grave, et j'aime pas trop m'ennuyer (vous l'aviez deviné, ça, non ?). En seconde, j'invente des situations d'apprentissage rigolotes, des tâches complexes avec parfois des cours plus traditionnels mais beaucoup d'autonomie des élèves. Mes cours de terminale en revanche... sont parfois une vraie souffrance pour moi ... et pour mes élèves que je vois piquer du nez en baillant. Ben oui, le programme ne nous laisse pas trop le temps de rigoler, même pour travailler.

Ben alors, me direz-vous, qu'attendais-tu pour te lancer ???

Vous avez déjà eu des élèves ? Oui ? Alors vous saurez de quoi je parle quand je dis que je ne suis pas du tout sûre que chacun de mes 33 (trente-trois) élèves de TS va lire le texte, ou regarder la vidéo, ou écouter le podcast que je vais lui envoyer. Alors quand cet élève (je mets au singulier par pur optimisme, mais vous aurez traduit un pluriel de malade, un pluriel genre 2/3 de la classe), quand cet élève qui n'a pas lu le cours arrivera en classe pour faire la fascinante activité que je lui ai concoctée pour utiliser les connaissances qu'il est censées avoir lues / écoutées / regardées auparavant... Ben non seulement l'activité va lui passer bien au-dessus de la tête, mais en plus il n'aura pas même entendu parler de loin, dans le brouillard et d'une seule oreille du contenu du cours.


Bien pire qu'un mauvais cours magistral. Je vous l'avais dit, vous ne me croyez jamais.

Et pourtant...

Allez, je vous raconte.

Mon premier cours inversé. 

Une semaine avant

D'abord une précision : je suis dans un établissement où les élèves sont tous équipés et connectés. Des privilégiés, en somme.

La semaine dernière, j'ai envoyé un mail à tous mes élèves de terminale (enfin, tous ceux qui m'ont envoyé leur adresse, autrement dit pas tous) contenant :

  • un lien vers mon cours "crocodoc-é". Crocodoc est un service en ligne qui permet de donner accès à des document texte ou pdf qui sont annotables. Je me suis créé un compte personnel qui me permet d'archiver les documents dans des dossiers que je peux partager.
  • Des consignes : annoter le cours en posant des questions, en y répondant, en ajoutant des informations supplémentaires. Ces commentaires font l'objet d'une note trimestrielle (je sais, la note c'est le mal. Mais moi je ne peux pas tout faire en même temps). 
  • Imprimer le cours ou me demander de l'imprimer. 
Durant la semaine qui vient de s'écouler, je n'ai pas pu résister : j'ai répondu aux questions posées dans les commentaires. Mais en réalité, il aurait fallu que je laisse les élèves se répondre les uns aux autres. Bon, c'était trop bon de discuter histoire avec les élèves, j'ai craqué, voilà. 

Et puis aujourd'hui, j'ai préparé ma séance de classe. 

J'ai fait l'inventaire des élèves qui ont commenté. 
Aïe. 
J'ai 33 élèves, 9 ont commenté. Combien j'avais dit tout à l'heure ? Les 2/3 de la classe qui n'auraient pas lu le cours ? Allez, sursum corda, après tout ils auraient pu lire sans commenter. 

L'avantage, c'est que je n'ai pas mis longtemps à lire les commentaires, relever les points qui posaient visiblement encore problème, et à préparer mes réponses. 

Pour faire face à toute éventualité du genre "J'ai pas lu madââââme" j'ai aussi imprimé 24 exemplaires du cours. J'ai deux classes de terminale, je pourrai les utiliser avec l'autre. Chasse au gaspi !

Et je suis arrivée un peu stressée dans ma salle de classe pour les deux heures de cours d'histoire. 

En classe

Je n'ai engueulé personne. 
Je n'ai engueulé aucun des 24  élèves qui n'ont pas commenté. 
Je n'ai engueulé aucun des 15 élèves qui m'ont avoué n'avoir pas lu. 
Je n'ai pas engueulé celui qui m'a dit : "Je n'ai rien reçu. Mais je ne vous ai pas envoyé mon mail, non plus". 
J'ai un tout petit peu râlé sur celui qui m'a dit "j'ai pas réussi à ouvrir le lien" parce qu'il avait une semaine pour me signaler le problème. Un peu seulement. 


J'ai seulement distribué le cours aux 15 qui n'ont pas lu, je les ai regroupés au fond de la classe avec pour mission de lire (et comme ce sont de chouettes élèves bien élevés, ils n'ont pas fait de bruit). 
Les autres, j'ai expliqué les points qui semblaient poser problème. Ensuite, j'ai distribué un exercice de type bac, un commentaire de texte qui mobilise les connaissances du cours. On a travaillé la méthode, les élèves du fond nous ont rejoint peu à peu. Et ils sont partis dans la réalisation de l'exercice. Vous m'auriez vue, c'était pas beau à voir : rouge, échevelée, essoufflée, je courais entre les tables pour répondre aux mains levées, le front perlé, la langue pendante, le T.shirt déchiré au coin d'une table pendouillant lamentablement sur mon flanc. 

C'était laborieux : si les élèves qui ont lu avançaient bien, j'ai ressenti de la part des élèves beaucoup de frustration au début devant la difficulté d'utiliser des connaissances qu'on ne maîtrise pas vraiment (faute d'avoir passé du temps dessus) pour mettre en oeuvre une méthode qu'on découvre. Mais à un moment, le déclic a eu lieu et j'ai vu des lumières dans les yeux. Des gens se lever et aller expliquer à la table voisine. Des élèves penchés sur leur texte, passer du document au cours en suçotant leur crayon**. 

Finalement, ça a marché. Je pense que je recommencerai assez vite parce qu'ils me semblaient tous avoir compris l'intérêt de ce type de dispositif, et que je pense que l'habitude ne peut pas nuire dans ce contexte-là. Mais avant, j'ai prévu une évaluation sur le cours lors de la prochaine séance. Un autre document à étudier par exemple, pour être sûre que le cours est maîtrisé. 


Pour conclure, j'ai conscience de ne pas respecter les canons de la flipped classroom : pas de tâche complexe ici, par exemple. M'en fiche. Je fais mon boulot de prof de terminale, pas ma faute si le bac est un truc de naze. J'ai conscience aussi d'enseigner dans un établissement de rêve, avec des élèves bien éduqués sur lesquels on a prise, d'une manière ou d'une autre. N'empêche, je suis contente de moi. Et je vais me coucher !


* En revanche je ne vais pas vous expliquer les canons de la flipped classroom, vous en trouverez une description ici et (avec une superbe infographie).
** Vous voyez le tableau ? J'en rajoute un peu, juste pour le plaisir.

dimanche 14 septembre 2014

Jouer à Classcraft avec mes secondes : épisode 2 Commencer à jouer

J'ai donc commencé à jouer à Classcraft*. Pour lancer le jeu, j'ai suivi à la lettre les conseils donnés sur la plateforme :
- J'ai expliqué pourquoi je jouais (c'est expliqué là, mais j'ai simplifié : j'ai pas envie de passer mon temps à vous botter les fesses et j'ai envie de valoriser ce que vous faites déjà très bien).
- J'ai présenté les règles du jeu, dont j'ai distribué une version simplifiée. Ce sont des règles du jeu provisoires, parce qu'il va falloir intégrer le jeu dans le lycée, et donc les règles du jeu dans le règlement intérieur.
- J'ai fait signer le "pacte des héros" aux élèves volontaires pour jouer (je précise ici qu'il est impossible de jouer à moins de 5 élèves mais tout à fait possible de jouer alors que tout les élèves ne jouent pas.
- et je leur ai demandé leur adresse mail. J'en attends toujours 5. Et aussi de me constituer des équipes équilibrées.


Ensuite j'ai profité du reste de la semaine pour aller voir mes chefs pour avoir leur autorisation d'utiliser la plateforme. Pas l'autorisation de jouer, hein ! Celle-là je l'avais déjà prise toute seule. C'est expliqué dans l'épisode 1.

Et puis j'ai pris une heure de mon précieux temps. Pas l'heure suivante : ils avaient oublié mon histoire d'équipes. Mais bon, une remarque par ci ("Oh, je t'aurais bien ajouté 10 XP mais je peux pas : vous n'avez pas fait les équipes"**) et une remarque par là ("Oh, si tu avais le pouvoir de Foi Ardente tu pourrais me demander confirmation que ta réponse est la bonne"**), et la fois suivante a été consacrée à l'enregistrement des équipes, à trouver un nom, à répartir les rôles, à choisir son premier pouvoir. A défaut de faire de l'histoire ou de la géo, ils ont fait de la stratégie... Espérons que je vais gagner du temps plus tard parce que le jeu aura boosté les troupes et supprimé à tout jamais tout problème de disciplines et toute tentative de traîner la patte...

Et puis il y a eu ECJS.... Premier thème : Citoyenneté et civilité. exercice d'application : intégrer Classcraft dans le lycée. Autrement dit : vérifier que les règles sont compatibles avec le règlement intérieur (Ah bon, c'est pas compatible ? Ca alors !), et pourquoi donc ces règles-là dans le RI, et pourquoi ce RI est prioritaire, et comment faire pour adapter les règles ? Quel est l'objectif de cette règle, quel est son impact sur l'environnement de la classe, sur l'élève ? Du coup, quelle règle pourrait remplacer ?

C'est-y pas beau ça ?

Aujourd'hui, j'ai inscrit mes élèves sur la plateforme https://game.classcraft.com/. Et demain, je me connecterai sur MON ordi (ben oui, il faut Chrome et y'a pas Chrome sur les ordis du lycée) avec la connexion partagée de mon smartphone (Ben oui, le réseau est protégé). Mais ensuite j'ai rendez-vous avec un collègue responsable du réseau et il va m'arranger tout ça. Pas vrai Joani ?
Je suis pressée de lancer le premier événement aléatoire qui ouvrira chacun de mes cours dorénavant. En espérant ne pas être obligée de chanter...


* Pourquoi je joue à Classcraft ? C'est écrit ici 
** Qui a dit que j'étais manipulatrice ??? C'est c'ti qui le dit qu'y est !

Jouer à Classcraft avec mes secondes : épisode 1 Pourquoi je joue ?

Oh purée que c'est bon de retrouver des élèves !!! C'est vrai, ils sont jeunes, frais, enthousiastes... Oui mais hum... en entretiens individuels lors de leur rentrée, j'ai entendu des trucs qui m'ont inquiétée :

- Je ne sais pas m'arrêter de bavarder (5x)
- Je voulais aller en lycée professionnel (2x)
- Je suis nul(le) en maths (218 X sur 35 élèves)
- Je suis nul(le) en (français, sciences physiques, etc...) (12x)

Et puis j'ai ouvert la porte de la salle voisine où les 34 élèves qui n'étaient pas en entretien individuel travaillaient déjà. Et là... J'ai refermé la porte.

35 élèves de seconde dont 7 bavards (5 honnêtes et 2 qui essaient de le cacher), 2 qui ne se sentent pas à leur place (au moins) et 250 qui doutent de leurs capacités... J'ai eu envie de fuir. Je me suis sentie perdue, moi qui déteste punir, sanctionner, qui a une tendance maladive à comprendre pourquoi ____________ (complétez par vous-même : j'ai pas mes affaires, j'ai pas fait mon travail, je parlais à mon copain, j'ai pas appris, j'ai oublié, je vous jure) .

Et puis j'ai respiré un coup et pris une grande décision : je vais jouer à Classcraft avec mes 205.


Classcraft c'est un jeu de gestion de classe créé par mon copain Shawn Young (oui tu as bien lu, internaute : je me la pète, Shawn est mon copain on a bu des coups ensemble et il m'a vue en pyjama. Hé ouais). Vous lirez les règles ici et vous pourrez même vous créer un compte gratuitement pour voir.

Premier cours. Je présente ma façon d'envisager l'année et puis, le coeur battant, je leur explique le jeu. Le coeur battant ??? Mais pourquoi donc ??? Jouer avec mes élèves j'ai déjà fait plein de fois ! Oui mais là....

  • c'est un jeu sur l'année. Si je me plante, argh. 
  • c'est un jeu qui nécessite un accès en classe, à chaque cours, à la plateforme en ligne qu ine fonctionne que sous Chrome. Et moi je suis dans un établissement scolaire. Vous voyez un peu l'angoisse ? 
  • c'est un jeu et moi je suis prof avec un programme : est-ce que je vais perdre ou gagner du temps ? 
  • est-ce que mes chefs vont accepter que j'utilise la version complète (gratuite mais... regardez les conditions de la version freemium) ? 
et puis surtout : 
  • est-ce que ça va fonctionner avec mes élèves ? 
J'ai commencé par argumenter auprès des chefs qui, je l'avoue, ont bien fait leur boulot en regardant les règles du jeu et en m'accordant une heure. Leurs questions sont intéressantes :
  • Est-ce que ça ne crée pas une exception parmi les élèves dans l'application d'une règle commune au lycée ? 
  • Certaines règles sont contraires au règlement intérieur. On fait comment ? 
  • Certaines règles prévoient d'ajouter 5 ou 10mn de temps supplémentaire à un devoir sur table. Est-ce juste, alors que les élèves constituent un épais dossier pour obtenir un tiers-temps ? 
  • Ces règles qui ajoutent ou suppriment du temps pour faire les devoirs sur table mélangent le pédagogique et le disciplinaire. 
Mais ils ont visiblement été sensibles à mes arguments puisque je joue avec leur soutien. Et mon argument principal a été : Je joue ou je meurs Je joue pour qu'ils se mettent au travail sans que j'aie à leur botter les fesses. 

Donc on joue, avec le version freemium qui nous permet de modifier les règles du jeu et d'avoir des forums sur le site du jeu, pour les trucs les plus notables. A condition que je signale aux élèves qu'acheter des trucs dans le jeu n'est pas souhaitable vu qu'ils peuvent les avoir gratos, et que je fasse une info aux parents. 

Je vous l'avais dit qu'ils étaient chouettes mes chefs.

Prochain article : comment j'ai lancé Classcraft dans ma 205.






jeudi 11 septembre 2014

Résultats d'enquête "tablettes à l'école" 2/5 : Usages en classe

Lors de l’enquête menée dans le cadre de mon stage chez Maskott sur les usagers des tablettes à l’école, j’ai découvert des usages très variés depuis la maternelle (et je ne parle pas de mini jeux, hein !) jusqu’au lycée. Ces usages utilisent les caractéristiques techniques de la tablette : sa légèreté, sa petite taille, ses outils intégrés, sa connectivité. Et une interface souvent intuitive.

« Trouvez moi ça sur internet »


La tablette est d’abord un outil de consultation. Déjà présente dans la classe, dans l’armoire ou dans le cartable de l’enseignant, elle est donnée à l’élève pour aller chercher des informations sur internet, ou dans l’encyclopédie présente sur la tablette. Une enseignante, TZR, se sert de sa tablette comme d’un cartable : elle y stocke ses cours, ses documents, qu’elle vidéo projette pendant la classe.
D’autres ont passé du temps à trouver des applications pertinentes, des jeux, des quizz, que les élèves ont plaisir à utiliser. Certains collègues enfin utilisent la tablette comme un outil de remédiation en pédagogie inversée : les élèves qui n’ont pas lu, écouté ou regardé le cours avant la classe sont invités à le faire en classe, sur tablette, pendant que les autres s’engagent dans l’activité prévue par l’enseignant.


« Enregistrez-moi ça ! »


Mais la tablette est aussi un outil de collection de traces. Dotée d’un appareil photo, d’une caméra vidéo, d’un capteur de son, d’un logiciel de carte avec géolocalisation, de logiciels de traitement de texte et de dessin, une tablette est le « couteau suisse » de la classe, expression souvent reprise mais assez juste. On voit donc des élèves qui font un reportage en images dans le lycée sur le civisme, collectent des images et en font un montage commenté (dans powerpoint pour le coup mais ça pourrait être un traitement de texte, book creator, un blog ou le site du lycée). Au lycée encore, une prof d’EPS fait amener la mallette de tablettes au gymnase pour les cours qui demandent un geste technique : gym, lancers… Les tablettes sont à disposition, les élèves se filment, se regardent, recommencent… et effacent à la fin leurs gestes ratés. Se filmer pour préparer l’oral, s’enregistrer en train de lire, prendre des notes du cours… Des choses simples finalement côté élèves, qui nécessitent pourtant souvent un gros effort de la part de l’enseignant, lorsque les tablettes sont conservées au CDI, loin de tout, dans des mallettes de 15 à 20 kg chacune.

« Créez ! »



D’autres usages sont plus complexes, et utilisent la tablette comme un outil de création. Des enfants de maternelle créent l’annuaire de la classe (ou le trombinoscope) en se photographiant, en écrivant leur prénom et en créant un bouton qui permet d’entendre le prénom à la demande. Pour les plus grands, on pourra détourner le portrait croisé en demandant à chaque élève de présenter son camarade sur une page de l’annuaire, par écrit, de faire enregistrer la version anglaise ou espagnole. La tablette, c’est aussi le cahier de vie, rempli à tour de rôle, qui part dans les familles, chacune son tour, chaque semaine. Book Creator est souvent cité : les élèves deviennent créateurs de leur propre manuel, ajoutant des documents, des questions, des sons, des vidéos pour concevoir un support de cours qui sera peut-être utilisé et enrichi par la génération suivante. Des élèves de collège créent des frises chronologiques, des Tellagami et utilisent les tablettes au CDI pour créer le journal du lycée
Et puis la tablette est un outil de publication, et tous ces travaux peuvent être envoyés sur le cloud, blogués, partagés.

« Soyez autonome ! »

Contrairement à l'ordinateur qui nécessite une salle informatique, la tablette est un outil individuel : on peut donner une tablette à quelques élèves et pas aux autres. Son interface très intuitive débarrasse l'enseignant de toutes les interventions habituelles en salle info : "m'sieur j'y arrive pas", "madaaaaame ça marche pas" etc...  Elle est donc souvent utilisée pour autonomiser les élèves : des activités de groupe, dont les consignes sont distribuées via un ebook par exemple. Ces activités sont souvent des tâches complexes, l'élève utilise alors la tablette à la fois comme accès aux ressources dont il a besoin, en ligne le plus souvent, ou dans l'encyclopédie installée sur la tablette, et comme outil de création d'un objet numérique. L'un des enseignants pratique la classe inversée : les élèves ont des vidéos à regarder à la maison, ou des textes à lire. Mais le risque, c'est qu'ils n'ait pas vu ou lu le cours avant... C'est pire qu'un cours magistral pas écouté ! La solution : donner une tablette à ces élèves, les mettre dans un coin de la salle à faire en classe ce qu'ils auraient dû faire à la maison. Bon, il ne faut pas que ça arrive trop souvent.... Mais j'aime bien l'idée de ne pas abandonner ces élèves-là, dans un système qui est très à la mode ces temps-ci. 

« Bougez ... Mais pas trop loin, hein ! »


L’un des atouts de la tablette, c’est sa mobilité. Je constate que cette mobilité est utilisée surtout au sein de la classe et rarement en dehors. La déconnexion hors les murs, la peur de casser, … Néanmoins, la tablette utilisée dehors est un trait d’union entre l’extérieur et la classe : elle sert à prélever des éléments du dehors qui seront ensuite utilisés en classe dans une activité d’analyse ou de synthèse. Dans ce collège de l’académie d’Aix-Marseille, les élèves ont conçu un parcours dans le village à destination des visiteurs valides et aveugles : le trajet est lisible sur la carte, avec des points d’intérêts commentés à l’écrit, photos à l’appui, et à l’oral, avec force descriptions. Entre chaque point, le parcours est décrit oralement, avec des détails qui pourront guider un aveugle (penser au bruit et à l’odeur, au toucher plutôt qu’à la vue). Des applications spécifiques permettent de programmer des parcours : Google Maps bien sûr, et aussi Tactileo Maps (une application de Maskott, en test pour le moment, un outil génial qui permet d’insérer des vidéos et des documents .doc ou .pdf dans les points d’intérêt, de masquer / démasquer les contenus lorsque l’élève s’approche etc… Mais je vous raconterai plus tard).


La tablette n’est quasiment jamais (dans mon enquête) connectée à l’intranet. Les enseignants utilisent donc Evernote de manière assez générale pour transmettre les consignes et récupérer le travail de chacun. Parfois c’est aussi Dropbox, ou un site du cours, ou un pdf transféré sur chaque tablette via l’application kindle.

Ce qui frappe dans ces usages, ce n’est pas tant la différence avec les ordinateurs, mais la facilité de prise en main des outils par les élèves. Les témoignages concordent sur le fait que les problèmes techniques sont moindres. On échappe avec la tablette aux erreurs de manipulation, aux hésitations des élèves qui plombent les premières vingt minutes d’un cours en salle informatique. J’ai été impressionnée par des usages très complexes (book Creator, insertion d’images prises dans la classe, de sons prélevés et de texte) par des élèves non lecteurs en début de grande section. La complexité est plutôt pour l’enseignant, mais j’en parlerai dans un troisième billet.


Merci à Ghislain, Fred, Aurélie, Véro, Joëlle, Estelle, Celia, Sylvie, Stéphanie, Christophe, Anne, Fabienne, Anne-Marie, Joani, Jacques, Anne-Marie, Emilie, Arnaud, Daniel, Olivier, Philippe, Laure, Géraldine, Pascale, Benjamin et les autres pour leur dynamisme, leur disponibilité, leur créativité.

vendredi 5 septembre 2014

Code code coder ? On en caquette.

Un petit billet en passant sur un sujet brûlant : faut-il apprendre le code à l'école ?

Alors que j'étais en train de boire mon café, mollement tranquillement allongée sur mon canapé, me remémorant avec délice mon Ludovia#11, le téléphone sonne : "Tu penses quoi de l'enseignement du code à l'école ?". Oh le joli trait d'union ! Les tables-rondes et discussions de bar à Ludovia en étaient pleines, de ce sujet brûlant...

Ça fait un moment que le monde en discute. L'EPI et son site très 90's en témoigne*, mais aussi les discussions au sein de l'IFIP à laquelle j'appartiens et les tweets d'un certain nombre de mes copains ou pas copains d'ailleurs sur les coding goûters et autres initiatives militantes. Et moi je ne savais pas trop quoi penser. Pour ou contre l'enseignement du code à l'école ?

Je crois que ça y est, mes idées se mettent en place. D'abord je comprends très bien qu'enseigner le code, c'est faire comprendre aux élèves que derrière les ordinateurs, tablettes et autres outils numériques qui traînent partout, il n'y a pas de la magie mais des instructions données par des humains à une machine. Que ces instructions entraînent des choix, parfois porteurs de sens ou d'une vision de la société. Et que du coup on peut agir, réagir. Enseigner le code c'est donc donner aux élèves les outils pour prendre du recul, et puis aussi peut-être les outils pour créer numériquement en utilisant les bons codes (visuels, ceux-là). Bref, c'est faire de l'éducation aux medias.

Ça, je veux bien. D'ailleurs je l'ai déjà fait.

En revanche, j'ai un peu peur de la mise en oeuvre ...

Enseigner le code, ça pourrait dire avoir des profs de code. On sait bien qu'on ne va pas mettre en oeuvre un CAPES et une AGREG de code (d'informatique, en fait) vu qu'on n'a plus de sous. Mais on pourrait demander à des enseignants d'autre chose (de maths, de techno) de le faire. Et là.... bon, je suis optimiste : des fois ça va bien se passer, parce que y'en a des bien**. Mais d'autres fois.... Vous imaginez vos enfants, petits enfants, en train de se taper un cours d'algorithmique par un prof de maths qui n'a pas fait ça depuis Pffffiouuuuuu ! (je crois quand même, pour être honnête, que c'est au programme de seconde donc pas si poussiéreux). Ou un prof de n'importe quoi d'autre (histoire - géo par exemple) qui donne un "Cours de code" ? Ça me fait frémir... Mais quand vous regardez comment est enseignée parfois la bureautique, ça n'est pas du tout impossible que ça se passe comme ça.
Sans compter que pour le moment, les gens capables d'"enseigner le code" sont tout sauf nombreux.

Alors comment fait-on ?

Je me dis que le code, ça pourrait être utile de lui donner du sens. De montrer à quoi ça sert, comment on l'utilise, dans quel genre de situation et avec quels types de méthodes. Du coup, j'aime bien ce que je vois autour de la programmation des robots, ou de la conception de jeux vidéos avec des logiciels comme Scratch. Parce que la classe a un projet, cherche comment le réaliser, tempête du cerveau, collabore, dessine son algorithme (pourquoi je mets toujours un "y" à algorithme ?), clique sur des boutons, voit que ça génère du code, s'interroge sur ce code, voit ce que ça donne à l'écran, détecte des erreurs, va lire des forums pour comprendre, corrige ses erreurs, et est fier du résultat. Mais ça, ça ne rentre pas dans un programme, ça rentre dans un projet ! J'aimerais bien, en histoire - géo, concevoir un jeu avec un robot qui se dirige en fonction des indications géographiques qu'on lui donne, ou un jeu sur la seigneurie, ou que sais-je encore. Pourtant ça m'étonnerait qu'on me laisse enseigner le code ... ***
Et l'éducation nationale aime bien quand ça rentre dans les cases disciplinaires, calendaires, programmatiques...****

Je n'ai pas de conclusion à ce billet. Je ne peux plus dire "Enseignement du code, moi vivante, jamais" mais je n'arrive pas encore à hurler "Vive l'enseignement du code" et m'attacher aux grilles du ministère, nue, échevelée pour défendre mon idée.

J'ai pas confiance, en fait. C'est ça.



* On pourrait commencer par leur enseigner le HTML 5 / CSS3 à ces gars-là !
**Y'en a deees bieeeeeenn
 

*** Et pourtant on me laisse enseigner l'éducation civique... Inconscients, va !

**** Education nationale, profs compris : quand vous voyez comment ça râle quand on lance les IDD, les TPE et tous ces trucs qui rentrent dans les emplois du temps mais pas dans les disciplines...